L'identification d'un vêtement est à l'image de la vie : la pratique construit la connaissance. Savoir dater
une pièce vintage est une capacité qui s’acquiert principalement par
l’expérience, les lectures, mais également grâce à des discussions avec des spécialistes qui
partagent leurs compétences.
Voici un résumé en huit points
de ce modeste savoir. Si vous souhaitez compléter cet article,
n’hésitez pas à m’écrire pour que je puisse l’enrichir de nouvelles
informations, il n’est de loin pas exhaustif, surtout en ce qui concerne les
époques antérieures aux années 1960. Un grand merci à Valerie Bevintage pour a relecture !
1) Fait-main versus
confection industrielle
* Les vêtements fait-main datent le plus
souvent d’avant 1970, représentant une véritable alternative au prêt-à-porter
des maisons spécialisées ou à la vente sur catalogue, ainsi qu’à l’industrie
du vêtement qui se développe dès les années 1950.
* La plupart du temps, ils ne contiennent
pas d’étiquette et les traces du travail manuel sont assez apparentes, comme le
cousu main (voir photo ci-dessus).
* Certains prototypes de maisons de
couture prestigieuses ayant servi aux défilés ne possédaient ni étiquettes, ni
doublures.
* En 1955 aux Etats-Unis par exemple, 52
millions de femmes réalisent elles-mêmes leurs vêtements à la maison avec une
machine à coudre.
* Dans les années 1960, ce chiffre double,
mais dès les années 1980, on privilégie l’achat de vêtements bon marché
produits en Asie, ce qui explique en partie le déclin du fait-main.
2) L'étiquette
* L’étiquette constitue selon moi, avec la
matière et les coutures, l’indice le plus probant pour identifier un vêtement
vintage. Il est révélateur à plus d’un titre : son contenu, sa grandeur,
ses couleurs, sa typographie indiquent à coup sûr l’âge du vêtement, d’autant
plus lorsque certaines marques ont disparu du circuit.
* L’originalité des typographies figurant
sur les étiquettes est bien plus patente par le passé que de nos jours, à
quelques exceptions près, bien entendu. Autrefois, c’était un aspect du
vêtement qui, bien que caché aux yeux de tous, était investi en tant qu’espace
de création reflétant l’esprit général de la marque (le classicisme, la
jeunesse, l’audace, le romantisme, etc.).
* Si un vêtement porte une étiquette
indiquant une marque ou un designer particuliers, vous pouvez vous référer à
une précieuse base de données fournie par la Vintage Fashion Guild
américaine : the Vintage Fashion Guild’s label
resource guide.
* Si l’on a affaire à un vêtement de
marque, il est intéressant de savoir que les labels d’une maison de couture
n’ont cessé de se modifier à travers l’histoire, reflétant le style de la firme
à un moment donné. On peut, par exemple, suivre l’évolution des étiquettes de
la firme Betty Barclay au gré du temps et dater un vêtement en fonction de
leur forme, couleurs, typographie d’écriture, apparence
générale, etc.
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1960 |
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1970 |
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1980 |
* Les vêtements américains fabriqués avant
les années 1980 (époque qui correspond au boom de la production délocalisée et
globalisée) portent parfois le label LGWU, indiquant qu’ils sont soutenus par
une union de producteurs indépendants qui s’entraident au sein du marché de la
mode (pour plus de précisions, voir http://sammydvintage.com/vintage-style/union-labels-ilgwu).
* Un vêtement portant une étiquette
mentionnant « One Size Fits All » date certainement des années 1980,
l’époque bénie de l’oversize destiné
à convenir à toutes les tailles. La mode voyait alors grand et pensait
universel.
* Parfois, aux côtés de l’étiquette
indiquant la marque, apparaît la mention du lot (avec un numéro) : c’est
le signe que le vêtement est antérieur aux années 1980, lorsque la production
n’était pas encore informatisée. Ces chiffres permettaient ainsi de repérer des
groupes de pièces produites pour différents magasins. Le numéro de style, quant
à lui, se réfère au style de la pièce, à son modèle exact.
* Bien des étiquettes portent parfois la
mention d’une ville comme « Paris », « London » ou
« San Francisco ». C’est un indice certain qu’il s’agit d’une pièce
vintage datant d’une époque où l’on aimait savoir d’où provenaient les
vêtements, contrairement à aujourd’hui où le Made in China ne relève pas du
chic le plus ultra. En effet, comment trouver du panache à dire qu’une pièce
H&M est faite à Taïwan, alors que c’était le comble de l’élégance et du bon
goût pour une New-yorkaise d’arborer un look venant de la Côte Ouest ou de
Paris ?
Si les femmes appréciaient que leurs
vêtements soient rattachés à une région géographique précise, c’est également
parce que chaque pièce était de porteuse de valeurs et de fantasmes (de
cosmopolitisme, de glamour, d’exotisme). La production de masse et la vente par
Internet ont rendu caduc l’engouement pour les labels géographiques.
* Dès les années 80, les étiquettes
portant les termes de « Made in USA », « Made in Italy »,
etc. sont symptomatiques d’une réaction aux processus de globalisation
économique. Les fabricants indiquent ainsi la qualité de produits conçus au
sein d’une économie nationale qui résiste aux facilités offertes par le marché
de masse. C’est, en résumé, un gage de qualité offert aux consommateurs.
* Vous rencontrez parfois des étiquettes
mentionnant des pays qui ont désormais « disparus » : c’est le
cas de la Yougoslavie (dissoute au début des années 1990 pour se reconstituer
en plusieurs pays, dont le République Fédérale de Yougoslavie) ou de la colonie
britannique Hong Kong (devenue indépendante en 1997). Si vous tombez sur une
pièce portant la mention « The British Crown of Hong Kong », c’est
qu’elle est antérieure à 1997. Observé de près, le vintage peut ainsi livrer
une véritable leçon de géopolitique et d’histoire.
* Si vous trouvez des pièces contenant une
étiquette avec le prix d’origine, celle-ci peut vous fournir de nombreuses
indications sur la période en question : le montant, l’écriture à la main
ou à la machine, la qualité du papier, etc. Dans les années 1960-70, certaines
étiquettes contenaient des trous destinés à être déchiffrés par une sorte de
caisse enregistreuse, ancêtre de nos ordinateurs actuels qui digitalisent
toutes les informations relatives à un vêtement (ce type d’étiquette disparaît
complètement dans les années 80).
* Les étiquettes
indiquant les soins à apporter au vêtement apparaissent dès les années 1970.
Aux Etats-Unis, la Commission Fédérale du Commerce impose à toutes les
manufactures l’application d’une loi concernant l’usage systématique de
l’étiquette de soin (1971).
3) Les fermetures-éclair
* Alors que les fermetures-éclair en métal
sont inventées à la fin du 19e siècle, elles n’apparaissent pas dans
le secteur de la mode avant les années 1920-1930. Considérées comme vulgaires,
elles munissent uniquement les pantalons d’homme et les vêtements
d’enfants.
En effet, une femme portant un vêtement à
fermeture-éclair aurait été considérée comme trop « facile » à
déshabiller, et par extension, trop légère. C’est pourquoi, dans les années
1930, le diffamant détail est savamment caché dans les coutures latérales d’une
robe.
* La décennie suivante accepte enfin les
fermetures-éclair, placées le plus souvent le long de la couture latérale. En
1950, alors pleinement utilisées dans la confection féminine, elles
tendent à se déplacer à l’arrière du vêtement, sur la couture centrale (mais il
y a toujours des exceptions, voyez ci-dessous).
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Robe 1950, zip métal situé sur la couture latérale |
* Durant les années 1960, la majorité des
vêtements portent la fermeture-éclair au milieu du dos. C’est autour de 1963
que les fermetures-éclair en plastique font leur apparition, puis dès 1968,
celles en nylon, remplaçant ainsi les zips en métal.
* Depuis les années 1970, règnent les
fermetures-éclair en plastique que l’on repère sur tous les vêtements produits
en masse. Pour résumer : le zip se situe de côté : 1930-1940 ; sur le dos
au milieu : 1950-1960 ; dès 1960- 1970 : centrée sur le dos.
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Robe 1940 / Robe 1950 |
* Pour le linge de corps et les maillots, en particulier, jusqu'au début
des années 20, ils sont encore boutonnés. Dès les années 30, les boutons seront
remplacés par des agrafes, beaucoup plus seyantes pour l'ajustement.
4) La taille du vêtement
* Si un vêtement n’a pas de taille
indiquée, c’est qu’il date probablement d’avant la fin des années 1950. Si la
taille indiquée ne correspond pas à votre taille, c’est que vous avez très
certainement un vêtement vintage entre vos mains : la plupart du temps,
les tailles vintage sont beaucoup plus grandes que les tailles actuelles. En
tant que taille 36, vous pouvez parfaitement rentrer dans un vêtement indiquant
un 40 ou un 42.
* Les systèmes d’indication de taille n’ayant cessé de changer durant les
années (en plus de varier passablement selon les pays), mieux vaut se fier aux
mesures exactes du vêtement (largeur d’épaules, tour de poitrine, tour de
taille, tour de hanches, longueur, etc.) pour savoir s’il nous sied.
*Grosso modo, voilà quelques correspondances pour les tailles d'aujourd'hui. Je généralise à partir de ma pratique, sans prendre en considération les variabilités d'un pays européen à l'autre (certaines étiquettes font parfois figurer des chiffres renvoyant à différents systèmes de taille : D, It, Fr, etc.).
Compter pour le vintage, une ou deux tailles au-dessus. Aux Etats-Unis : les chiffres vont de 0 à 16 (par ex).
En Europe : les chiffres vont du 32 au 46.
Au Royaume-Uni : même chose que les tailles américaines, sauf qu'un 40 US correspond à un 42 UK.
taille XS : 0-2 US / 32-34 Eur / 2-4 UK
taille S : 2-4 US / 34-36 Eur / 4-6 UK
taille M : 6-8 US / 38-40 Eur / 8-10 UK
taille L : 10-12 US / 40-42 Eur / 12-14 UK
taille XL : 12-14 US / 42-44 Eur / 14-16 UK
taille XXL : 14-16 US / 44-46 Eur / 16-18 UK
5) Les boutons
Les boutons « vintage » peuvent
être en bakélite, en lucite (connue sous le nom de plexiglas) ou en
plastique.
* Dans les années 1930-1940, on use de
boutons en bakélite, premier plastique synthétique inventé en 1909. On parvient
à reconnaître un bouton en bakélite car il est presque toujours coloré. Pour en
être sûr-e, on peut essuyer le bouton avec un coton-tige enduit de nettoyant et
voir si cela laisse des tâches jaunes sur le coton. Si c’est le cas, c’est
qu’il s’agit bien de bakélite.
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Bouton en bakélite 1940 / Bouton en plastique 1960 |
* Dans les années 1950, les boutons sont
souvent fabriqués en lucite, un type de plastique transparent et dur inventé en
1931.
* Dès les années 1960, les boutons
prennent une apparence un peu plus cheap, n’ayant plus la même qualité que le
bakélite ou la lucite.
6) Les coutures
* Avant les années 1940, les plis des
coutures sont nets, les bords du tissus dessinant des lignes bien droites
(appelées coutures françaises).
* Durant les années 1950, on voit de plus
en plus de vêtements avec des coutures dentelées qui évitent au tissu de
s’effilocher. La popularisation de ce genre de couture est due à la large
diffusion des ciseaux dentelés (inventés en 1893) qui garnissent alors toutes
les boîtes à couture.
* Dans les années 1960, grâce à
l’accessibilité croissante des machines à serger, les coutures sergées
remplacent peu à peu les coutures dentelées : elles permettent de
sécuriser le tissu grâce à de grands points cousus en zig zag.
* Si une pièce a des coutures
irrégulières, il y a de grandes chances pour que le vêtement ait été réalisé
avant les années 1950, lorsque les machines à serger et les ciseaux dentelés
n’étaient pas encore disponibles pour la couturière de tous les jours.
7) Les manches
* Avant les années 1970, les manches sont
conçues (souvent sur mesure) pour suivre la ligne du bras, en restant très près
du corps. L’espace entre le tissu et le bras est alors équidistant le long de
tous les points de la manche. Quant aux emmanchures, elles sont étroites,
contrairement aux largesses des années 1980.
* Dès les années 1970, en effet, les
styles changent pour laisser la place à des manches amples (manches ballons,
manches bouffantes, etc.) typiques de la maxi robe hippie aux allures
edwardiennes.
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Robe fait main 1960 |
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Robe manches chauve-souris 1980 |
* Durant les années 1980, ce sont les
manches chauve-souris et les manches bouffantes qui sont à l’honneur : pas
question de porter des manches aux formes simples et droites.
* Avant 1970, les vêtements pour femmes
sont rarement munis d’une doublure car la combinaison fait alors office de
doublure, protégeant le corps des frottements provoqués par les coutures ou la
matière. Une robe avec doublure date probablement des années 1970 et au-delà,
même s’il faut signaler une importante exception.
* Très souvent dans les années 1970, les
femmes ne portaient pas de combinaison parce que les vêtements étaient faits en
coton ou en polyester, des tissus suffisamment opaques pour ne pas dévoiler
trop hardiment la silhouette.
* Les robes avec doublure deviennent
populaires au début des années 1980, lorsque les coupes reviennent plus près du
corps (comme dans les années 1960) et que la vêtement souligne sa forme, la
révélant de l’extérieur.
* Afin de différencier une robe non
doublée des années 70 et 60, il faut surtout prendre en considération la
matière : si c’est du polyester, il s’agit certainement d’une pièce des
années 1970.
Pour
approfondir :