mardi 17 juillet 2012

Le vintage, phénomène de société

Le très sérieux magazine économique Bilan me contacte il y a peu pour me demander mon avis sur la nostalgie du vintage et le marketing rétro dans le cinéma actuel. L'occasion de réfléchir à ce qu'est devenu le vintage en une poignée d'années : un véritable phénomène de société, et plus seulement un simple phénomène de mode.


Sur les chaînes télévisées, à la radio, dans la presse écrite, dans la publicité, dans la vie culturelle, sur la blogosphère, partout, il est question de l'engouement formidable pour le vintage : meubles, musique, décoration, mode, cuisine, voitures, séries TV, montres, photographie, etc. 


Alors réservé, il y a quelques années, à des cercles de passionnés, le vintage mobilise les esprits et les médias comme jamais. On s'interroge sur le pourquoi d'un tel intérêt et les réponses en viennent toujours à souligner le besoin de régresser à une autre époque pour mieux se rassurer sur les incertitudes qui accompagnent la nôtre.



En effet, c'est un des facteurs d'explication : l'histoire nous a montré que chaque époque de crise a été marquée par un repli sur le passé comme garant de valeurs meilleures, un passé par ailleurs systématiquement idéalisé, comme les Trente glorieuses (1945-1973), une période d'essor économique qui correspond à la vision que l'on a aujourd'hui du vintage, à savoir la culture des années 50, 60 et 70. 





On se tourne alors vers le passé à défaut de pouvoir se projeter dans un avenir insaisissable, quitte à embellir notre enfance et celle de notre famille. L'ère est aux collusions temporelles, aux rééditions, aux revivals et aux réinterprétations, le passé faisant office de gardien d'une authenticité dévoyée par le consumérisme ambiant.





Ces décennies, et surtout l'après-guerre, ont laissé un souvenir impérissable dans nos mémoires, d'une part parce qu'elles ont été vécues par nos parents et nos grands-parents, mais aussi parce qu'esthétiquement, elles ont laissé des traces marquantes dans la vie quotidienne. La couleur et la fantaisie envahissent alors les gardes-robes, le mobilier, la publicité, etc., on ose affirmer sa singularité, on participe pleinement au développement des tendances esthétiques et artistiques qui ne se cantonnent pas uniquement aux élites.




Dans la mode, c'est cette vision du vintage comme garant d'un paradis perdu relativement proche de nous qui prédomine aujourd'hui, alors même qu'il qualifie tout vêtement ou objet de plus de 20 ans qui témoigne d'un style emblématique d'un couturier, d'un courant, d'un moment de l'histoire de la mode. Désignant tout autant un corset des années 1880 qu'une robe des années 1920, le vintage renvoie plus largement à une philosophie de vie, et pas seulement à un caprice de la mode.



Plus qu'une simple valeur-refuge symbole de stabilité, plus qu'un fétiche sécurisant pour fashionistas en mal de sensations, le vintage suscite le respect des contemporains à cause de la qualité incontestable des produits, de ce mélange désormais rare entre beauté et fonctionnalité, de ce potentiel énorme de créativité qui envahit la mode et le design au début du 20e siècle.




S'habiller dans les années 1910 ou dans les années 1960, c'était un rite, un plaisir, un lieu d'invention, la marque d'un respect de soi et des autres. On prenait alors le temps de s'apprêter, que ce soit pour rester chez soi ou pour sortir chez des amis, aller au cinéma a ou se promener en forêt. La féminité et l'élégance extrêmes des tenues en témoignent : on coordonne minutieusement, on cache pour mieux suggérer, on joue pour mieux s'égayer. Rien à voir avec la vulgarité et la banalité d'une certaine mode actuelle... Comment alors ne pas vouloir adopter certains principes indémodables qui restituent au vêtement toute sa dignité?




L'engouement actuel pour la mode vintage ne revient pas seulement à  lutter contre la morosité économique, mais manifeste également le besoin de porter des vêtements de qualité qui ne seront pas aussitôt périmés à la saison suivante. Plus qu'un garant psychologique du passé, le vintage c'est la sauvegarde matérielle d'un vêtement irremplaçable, à son tour témoin d'une personnalité unique. C'est l'imaginaire contre la platitude, l'élégance contre le laisser-aller, la passion contre le conformisme...

A lire sur ce même blog :

On parle de la folie du vintage sur :
Medinmod
France 24
Sinestesia

1 commentaire:

  1. Tu résumes parfaitement la chose .Le phénomène " vintage" n'est pas prêt de s'arrêter.... ;)))

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