mardi 25 novembre 2014

Le vintage à l'Université

On savait le commerce du vintage florissant, mais depuis quelque temps, c’est au tour des Universités de mener des recherches sur cet engouement pour le passé, notamment à travers des colloques et des publications académiques. Il n’agit pas de proposer des formations à l’antiquariat ou des tables rondes réunissant des passionnés, mais bien de stimuler les études universitaires consacrées au vintage comme phénomène culturel, social, historique et économique. 


La preuve en est avec la revue NECSUS (The European Journal of Media Studies) qui consacre son numéro d’automne 2015 au vintage. L’appel à contribution explicite le besoin de comprendre les enjeux posés par les relations entre passé et présent, obsolescence et progrès, à une époque obsédée autant par les nouvelles technologies que les anciennes.


La publicité et le marketing sont en particulier touchés par une vague de nostalgie repérable dans beaucoup de domaines culturels : cinéma, télévision, arts, musique, mode, gastronomie, tourisme et décoration d’intérieur. Contrairement à la notion de « rétro » et de « nostalgie », le terme de « vintage » a peu été examiné sous l’angle critique et théorique, et ce malgré son ubiquité dans les champs de la mode et du design.  


Ce flottement est certainement dû à la prolifération de ses acceptions et de ses applications, mais également à la complexité d’une notion qui dépend à sont tour de la manière dont on envisage le goût et les valeurs dans un contexte socio-historique donné. Située quelque part entre l’ironie rétro et la sobriété de l’objet antique, distinct du kitsch et de la fripe, le vintage abrite une série de connotations qui se modifient selon les cultures et les époques. Polymorphe et fluide, la notion de vintage apparaît dans des milieux disparates, traversant ainsi des espaces, des identités, et des pratiques hétéroclites.


Si l’histoire et la philosophie ont tenté de saisir les liens de l’humain à son histoire à travers les modes de représentation et les manières de voir (Walter Benjamin, Jean Baudrillard), il reste encore bien des questions ouvertes quant à notre attachement pour le passé, à ses objets fétiches, et à ses répercussions sur notre vision du présent. 


Partant, on peut se demander si une « théorie du vintage » est possible, et si oui, sous quelle forme : en l’articulant à des pratiques du souvenir à la fois personnel et collectif ? A une réflexion sur le consumérisme et les affres de la société post-capitaliste ? A l’histoire des médias et des discours contrastés qu’ils génèrent, partagés entre technophilie et technophobie ? A une histoire des goûts culturellement déterminés ? L’appel à contribution de la revue NECSUS propose à ce sujet un liste de thèmes et de mots-clés qui peuvent servir d’inspiration : rétro-technologie, pratiques collectionneuses, théories psychanalytiques du manque et de la perte, questions de l'archive et de la conservation, de l'authenticité et de l'aura, etc.

 
L’étude des médias semble offrir un terrain privilégié à l’analyse des phénomènes nostalogiques, comme l’illustrent les ouvrages de Katharina Niemeyer (dir.), Media and Nostalgia : Yearning for the Past, Present and Future (Palgrave Macmillan, 2014), de Amy Holdsworth, Television, Memory and Nostalgia (Plagrave Macmillan, 2011), de Lucas Hilderbrand, Inherent Vice : Bootleg Histories of Videotape and Copyright (Duke University Press, 2009) ou de Simon Reynolds Retromania : Pop Culture’s Addiction ot Its Own Past (Faber & Faber, 2011). 


Ces travaux tentent chacun à leur manière de s’interroger sur la signification des mouvements de « rétromania » qui imprègnent notre époque et notre culture contemporaines, l’enjeu consistant à appréhender de manière rationnelle des phénomènes diffus, avec les outils que nous offrent aujourd'hui les sciences humaines. Peut-être que de ces efforts naîtront des Vintage Studies entièrement consacrées aux questions et problèmes entourant un concept aussi polymorphe que riche en significations ?