On savait le commerce
du vintage florissant, mais depuis quelque temps, c’est au tour des Universités
de mener des recherches sur cet engouement pour le passé, notamment à travers
des colloques et des publications académiques. Il n’agit pas de proposer des
formations à l’antiquariat ou des tables rondes réunissant des passionnés, mais
bien de stimuler les études universitaires consacrées au vintage comme
phénomène culturel, social, historique et économique.
La preuve en est avec
la revue NECSUS (The European Journal
of Media Studies) qui consacre son numéro d’automne 2015 au vintage. L’appel à contribution explicite le besoin de
comprendre les enjeux posés par les relations entre passé et
présent, obsolescence et progrès, à une époque obsédée autant par les nouvelles
technologies que les anciennes.
La publicité et le marketing sont en particulier
touchés par une vague de nostalgie repérable dans beaucoup de domaines
culturels : cinéma, télévision, arts, musique, mode, gastronomie, tourisme
et décoration d’intérieur. Contrairement à la notion de « rétro » et
de « nostalgie », le terme de « vintage » a peu été examiné
sous l’angle critique et théorique, et ce malgré son ubiquité dans les champs
de la mode et du design.
Ce flottement est certainement dû à la prolifération
de ses acceptions et de ses applications, mais également à la complexité d’une
notion qui dépend à sont tour de la manière dont on envisage le goût et les
valeurs dans un contexte socio-historique donné. Située quelque part entre
l’ironie rétro et la sobriété de l’objet antique, distinct du kitsch et de la
fripe, le vintage abrite une série de connotations qui se modifient selon les cultures
et les époques. Polymorphe et fluide, la notion de vintage apparaît dans des milieux
disparates, traversant ainsi des espaces, des identités, et des pratiques
hétéroclites.
Si l’histoire et la
philosophie ont tenté de saisir les liens de l’humain à son histoire à
travers les modes de représentation et les manières de voir (Walter Benjamin,
Jean Baudrillard), il reste encore bien des questions ouvertes quant à notre
attachement pour le passé, à ses objets fétiches, et à ses répercussions sur notre
vision du présent.
Partant, on peut se
demander si une « théorie du vintage » est possible, et si oui, sous
quelle forme : en l’articulant à des pratiques du souvenir à la fois
personnel et collectif ? A une réflexion sur le consumérisme et les affres
de la société post-capitaliste ? A l’histoire des médias et des discours
contrastés qu’ils génèrent, partagés entre technophilie et technophobie ? A une histoire des goûts culturellement déterminés ? L’appel à
contribution de la revue NECSUS propose à ce sujet un liste de thèmes et de
mots-clés qui peuvent servir d’inspiration : rétro-technologie, pratiques collectionneuses, théories psychanalytiques du manque et de la perte, questions de l'archive et de la conservation, de l'authenticité et de l'aura, etc.
L’étude des médias semble offrir un terrain privilégié à l’analyse des phénomènes nostalogiques, comme
l’illustrent les ouvrages de Katharina Niemeyer (dir.), Media and Nostalgia : Yearning for the Past, Present and Future
(Palgrave Macmillan, 2014), de Amy Holdsworth, Television, Memory and Nostalgia (Plagrave Macmillan, 2011), de
Lucas Hilderbrand, Inherent Vice :
Bootleg Histories of Videotape and Copyright (Duke University Press, 2009)
ou de Simon Reynolds Retromania :
Pop Culture’s Addiction ot Its Own Past (Faber & Faber, 2011).
Ces travaux tentent chacun à leur manière de s’interroger sur la signification des mouvements de
« rétromania » qui imprègnent notre époque et notre culture
contemporaines, l’enjeu consistant à appréhender de manière rationnelle des
phénomènes diffus, avec les outils que nous offrent aujourd'hui les sciences humaines. Peut-être que de ces efforts naîtront des Vintage Studies entièrement consacrées aux questions et problèmes entourant un concept aussi polymorphe que riche en significations ?