Alors que l’objectif principal du cinéma consiste à embellir les
visages de ses stars, il n’en a pas toujours été ainsi. A leur origine, alors
que les films étaient tournés sur pellicule orthochromatique (dominante
jusqu’en 1927), et plus tard sur pellicule panchromatique, il fallut trouver
des stratagèmes afin d’atténuer les défauts de l’image.
Une fois le film tourné, les ombres du visage étaient bien plus profondes
qu’en réalité, les yeux bleus semblaient dépourvus de couleur, les rougeurs
ressemblaient à des taches de rousseurs et celles-ci à des traces de boue,
alors que le rouge à lèvres dessinait une béance sombre jugée
« négroïde ». Et le maquillage
couramment utilisé dans le domaine du théâtre provoquait des effets désastreux une
fois transposé au cinéma.
Pour contrer les imperfections du support film, on inventa des produits de maquillage adaptés
au médium et à ses transformations techniques, allant parfois jusqu’à enlaidir les visages des
protagonistes. C’est le cas des speakerines américaines des années 1940,
lesquelles, pour apparaître à l’écran à leur avantage, devaient être grimées
avec des ombres peu flatteuses puisque les nouvelles caméras utilisées alors
transmettaient les images en négatif.
C’est un immigré polonais né en 1877, Max Factor, qui développa pour
l’industrie cinématographique des produits permettant de sublimer les défauts
inhérents à la technologie, ainsi qu’au physique des acteurs accédant au statut
de stars. Il dût ainsi faire face à des nombreux défis tout au long de sa
carrière, les types de supports photochimiques, les éclairages, les effets
spéciaux et les canons esthétiques ne cessant de varier.
Non seulement il créa des styles de beauté en fonction de chaque star (Rudolph
Valentino, Joan Crawford, Marlène Dietrich, Gloria Swanson, etc.), mais encore
il développa une industrie florissante autour du marché de la beauté, laquelle
a persisté jusqu’à nos jours.
Ce fragment de l’histoire du cinéma nous enseigne combien les relations
entre l’image animée et la beauté sont plus complexes qu’elles n’y paraissent, l’harmonie
appelant parfois la laideur afin de se révéler. Il représente en outre un lieu d’observation
privilégié des modifications subies par les normes de la perfection physique
qui dépendent autant de facteurs culturels, historiques, sociaux que
technologiques.
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